Papa François EVANGELIUM GAUDIUM les quatre principes du bin commun

22.07.2014 23:00

Le quatres principes concerne le développement et changement d’un pays mais aussi la paix sociale

On peut cependant les appliquer également sur son développement et évolution personnelle en tant qu'homme d’affaire, responsable ou activiste intelligent

Qui peut écrire un commentaire sur les 4 principes?

Le voilà:

 

Le temps est supérieur à l’espace

222. Il y a une tension bipolaire entre la pléni­tude et la limite. La plénitude provoque la volon­té de tout posséder, et la limite est le mur qui se met devant nous. Le “temps”, considéré au sens large, fait référence à la plénitude comme expres­sion de l’horizon qui s’ouvre devant nous, et le moment est une expression de la limite qui se vit dans un espace délimité. Les citoyens vivent en tension entre la conjoncture du moment et la lumière du temps, d’un horizon plus grand, de l’utopie qui nous ouvre sur l’avenir comme cause finale qui attire. De là surgit un premier principe pour avancer dans la construction d’un peuple : le temps est supérieur à l’espace.

223. Ce principe permet de travailler à long terme, sans être obsédé par les résultats immé­diats. Il aide à supporter avec patience les situa­tions difficiles et adverses, ou les changements des plans qu’impose le dynamisme de la réalité. Il est une invitation à assumer la tension entre plénitude et limite, en accordant la priorité au temps. Un des péchés qui parfois se rencontre dans l’activité socio-politique consiste à privilé­gier les espaces de pouvoir plutôt que les temps des processus. Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre posses­sion de tous les espaces de pouvoir et d’auto-af­firmation. C’est cristalliser les processus et pré­tendre les détenir. Donner la priorité au temps c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces. Le temps ordonne les espaces, les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne en constante croissance, sans chemin de retour. Il s’agit de privilégier les actions qui gé­nèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils fructifient en évènement historiques importants. Sans inquié­tude, mais avec des convictions claires et de la ténacité.

224. Parfois, je me demande qui sont ceux qui dans le monde actuel se préoccupent vraiment de générer des processus qui construisent un peuple, plus que d’obtenir des résultats immé­diats qui produisent une rente politique facile, ra­

pide et éphémère, mais qui ne construisent pas la plénitude humaine. L’histoire les jugera peut-être selon le critère qu’énonçait Romano Guardini : «L’unique modèle pour évaluer correctement une époque est de demander jusqu’à quel point se dé­veloppe en elle et atteint une authentique raison d’être la plénitude de l’existence humaine, en accord avec le caractère particulier et les possibilités de la même époque ».182

225. Ce critère est aussi très adapté à l’évangé­lisation, qui demande d’avoir présent l’horizon, d’adopter les processus possibles et les larges chemins. Le Seigneur lui-même en sa vie terrestre a fait comprendre de nombreuses fois à ses dis­ciples qu’il y avait des choses qu’ils ne pouvaient pas comprendre maintenant, et qu’il était néces­saire d’attendre l’Esprit Saint (cf. Jn 16, 12-13). La parabole du grain et de l’ivraie (cf. Mt 13, 24-30) décrit un aspect important de l’évangélisation qui consiste à montrer comment l’ennemi peut occuper l’espace du Royaume et endommager avec l’ivraie, mais il est vaincu par la bonté du grain qui se manifeste en son temps.

 

L’unité prévaut sur le conflit

226. Le conflit ne peut être ignoré ou dissi­mulé. Il doit être assumé. Mais si nous restons prisonniers en lui, nous perdons la perspective, les horizons se limitent et la réalité même reste fragmentée. Quand nous nous arrêtons à une si­tuation de conflit, nous perdons le sens de l’unité profonde de la réalité.

227. Face à un conflit, certains regardent sim­plement celui-ci et passent devant comme si de rien n’était, ils s’en lavent les mains pour pou­voir continuer leur vie. D’autres entrent dans le conflit de telle manière qu’ils en restent prison­niers, perdent l’horizon, projettent sur les institu­tions leurs propres confusions et insatisfactions, de sorte que l’unité devient impossible. Mais il y a une troisième voie, la mieux adaptée, de se situer face à un conflit. C’est d’accepter de supporter le conflit, de le résoudre et de le transformer en un maillon d’un nouveau processus. « Bienheureux les artisans de paix ! » (Mt 5, 9).

228. De cette manière, il est possible de déve­lopper une communion dans les différences, que seules peuvent faciliter ces personnes nobles qui ont le courage d’aller au-delà de la surface du conflit et regardent les autres dans leur dignité la plus profonde. Pour cela, il faut postuler un principe indispensable pour construire l’amitié sociale : l’unité est supérieure au conflit. La so­lidarité, entendue en son sens le plus profond et comme défi, devient ainsi une manière de faire l’histoire, un domaine vital où les conflits, les ten­sions, et les oppositions peuvent atteindre une unité multiforme, unité qui engendre une nou­velle vie. Il ne s’agit pas de viser au syncrétisme ni à l’absorption de l’un dans l’autre, mais de la résolution à un plan supérieur qui conserve, en soi, les précieuses potentialités des polarités en opposition.

229. Ce critère évangélique nous rappelle que le Christ a tout unifié en lui : le ciel et la terre, Dieu et l’homme, le temps et l’éternité, la chair et l’es­prit, la personne et la société. Le signe distinctif de cette unité et de cette réconciliation de tout en lui est la paix : Le Christ « est notre paix » (Ep 2, 14). L’annonce de l’Évangile commence toujours avec le salut de paix, et à tout moment la paix couronne les relations entre les disciples et leur donne cohésion. La paix est possible parce que le Seigneur a vaincu le monde, avec ses conflits permanents « faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1, 20). Mais si nous allons au fond de ces textes bibliques, nous découvrirons que le premier domaine où nous sommes appelés à conquérir cette pacification dans les différences, c’est notre propre intériorité, notre propre vie toujours menacée par la dispersion dialectique.183 Avec des cœurs brisés en mille morceaux, il sera difficile de construire une authentique paix sociale.

230. L’annonce de la paix n’est pas celle d’une paix négociée mais la conviction que l’unité de l’Esprit harmonise toutes les diversités. Elle dé­passe tout conflit en une synthèse nouvelle et prometteuse. La diversité est belle quand elle accepte d’entrer constamment dans un proces­sus de réconciliation, jusqu’à sceller une sorte de pacte culturel qui fait émerger une “diversité ré­conciliée”, comme l’enseignent bien les évêques du Congo : « La diversité de nos ethnies est une richesse […] Ce n’est que dans l’unité, la conver­sion des cœurs et la réconciliation que nous pou­vons faire avancer notre pays ».184

 

La réalité est plus importante que l’idée

231. Il existe aussi une tension bipolaire entre l’idée et la réalité. La réalité est, tout simplement ; l’idée s’élabore. Entre les deux il faut instaurer un dialogue permanent, en évitant que l’idée finisse par être séparée de la réalité. Il est dangereux de vivre dans le règne de la seule parole, de l’image, du sophisme. A partir de là se déduit qu’il faut postuler un troisième principe : la réalité est su­périeure à l’idée. Cela suppose d’éviter diverses manières d’occulter la réalité : les purismes an­géliques, les totalitarismes du relativisme, les no­minalismes déclaratifs, les projets plus formels que réels, les fondamentalismes antihistoriques, les éthiques sans bonté, les intellectualismes sans sagesse.

232. L’idée – les élaborations conceptuelles – est fonction de la perception, de la compréhen­sion et de la conduite de la réalité. L’idée décon­nectée de la réalité est à l’origine des idéalismes et des nominalismes inefficaces, qui, au mieux, classifient et définissent, mais n’impliquent pas. Ce qui implique, c’est la réalité éclairée par le rai­sonnement. Il faut passer du nominalisme for­mel à l’objectivité harmonieuse. Autrement, on manipule la vérité, de la même manière que l’on remplace la gymnastique par la cosmétique.185 Il y a des hommes politiques – y compris des di­rigeants religieux – qui se demandent pourquoi le peuple ne les comprend pas ni ne les suit, alors que leurs propositions sont si logiques et si claires. C’est probablement parce qu’ils se sont installés dans le règne de la pure idée et ont réduit la politique ou la foi à la rhétorique. D’autres ont oublié la simplicité et ont importé du dehors une rationalité étrangère aux personnes.

233. La réalité est supérieure à l’idée. Ce critère est lié à l’incarnation de la Parole et à sa mise en pratique : « A ceci reconnaissez l’Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu » (1Jn 4, 2). Le critère de réali­té d’une parole déjà incarnée et qui cherche tou­jours à s’incarner, est essentiel à l’évangélisation. Il nous porte, d’un côté, à valoriser l’histoire de l’Église comme histoire du salut, à nous souvenir

de nos saints qui ont inculturé l’Évangile dans la vie de nos peuples, à recueillir la riche tradition bimillénaire de l’Église, sans prétendre élaborer une pensée déconnectée de ce trésor, comme si nous voulions inventer l’Évangile. D’un autre côté, ce critère nous pousse à mettre en pratique la Parole, à réaliser des œuvres de justice et de charité dans lesquelles cette Parole soit féconde. Ne pas mettre en pratique, ne pas intégrer la Pa­role à la réalité, c’est édifier sur le sable, demeurer dans la pure idée et tomber dans l’intimisme et le gnosticisme qui ne donnent pas de fruit, qui stérilisent son dynamisme.

 

Le tout est supérieur à la partie

234. Entre la globalisation et la localisation se produit aussi une tension. Il faut prêter attention à la dimension globale pour ne pas tomber dans une mesquinerie quotidienne. En même temps, il ne faut pas perdre de vue ce qui est local, ce qui nous fait marcher les pieds sur terre. L’union des deux empêche de tomber dans l’un de ces deux extrêmes : l’un, que les citoyens vivent dans un universalisme abstrait et globalisant, ressemblant aux passagers du wagon de queue, qui admirent les feux d’artifice du monde, celui des autres, la bouche ouverte et avec des applaudissements programmés. L’autre, qu’ils se transforment en un musée folklorique d’ermites renfermés, condamnés à répéter toujours les mêmes choses, incapables de se laisser interpeller par ce qui est  différent, d’apprécier la beauté que Dieu répand hors de leurs frontières.

235. Le tout est plus que la partie, et plus aussi que la simple somme de celles-ci. Par conséquent, on ne doit pas être trop obsédé par des questions limitées et particulières. Il faut toujours élargir le regard pour reconnaître un bien plus grand qui sera bénéfique à tous. Mais il convient de le faire sans s’évader, sans se déraciner. Il est nécessaire d’enfoncer ses racines dans la terre fertile et dans l’histoire de son propre lieu, qui est un don de Dieu. On travaille sur ce qui est petit, avec ce qui est proche, mais dans une perspective plus large. De la même manière, quand une personne qui garde sa particularité personnelle et ne cache pas son identité, s’intègre cordialement dans une communauté, elle ne s’annihile pas, mais elle reçoit toujours de nouveaux stimulants pour son propre développement. Ce n’est ni la sphère globale, qui annihile, ni la partialité isolée, qui rend stérile.

236. Le modèle n’est pas la sphère, qui n’est pas supérieure aux parties, où chaque point est équidistant du centre et où il n’y a pas de diffé­rence entre un point et un autre. Le modèle est le polyèdre, qui reflète la confluence de tous les éléments partiels qui, en lui, conservent leur ori­ginalité. Tant l’action pastorale que l’action po­litique cherchent à recueillir dans ce polyèdre le meilleur de chacun. Y entrent les pauvres avec leur culture, leurs projets, et leurs propres po­tentialités. Même les personnes qui peuvent être critiquées pour leurs erreurs ont quelque chose à apporter qui ne doit pas être perdu. C’est la conjonction des peuples qui, dans l’ordre uni­versel, conservent leur propre particularité ; c’est la totalité des personnes, dans une société qui cherche un bien commun, qui les incorpore toutes en vérité.

237. A nous chrétiens, ce principe nous parle aussi de la totalité ou de l’intégrité de l’Évangile que l’Église nous transmet et nous envoie prê­cher. La plénitude de sa richesse incorpore les académiciens et les ouvriers, les chefs d’entre­prise et les artistes, tous. La “mystique populaire” accueille à sa manière l’Évangile tout entier, et l’incarne sous forme de prière, de fraternité, de justice, de lutte et de fête. La Bonne Nouvelle est la joie d’un Père qui ne veut pas qu’un de ses petits se perde. Ainsi jaillit la joie du Bon Pas­teur qui retrouve la brebis perdue et la réintègre à son troupeau. L’Évangile est le levain qui fait fermenter toute la masse, la ville qui brille en haut de la montagne éclairant tous les peuples. L’Évangile possède un critère de totalité qui lui est inhérent : il ne cesse pas d’être Bonne Nou­velle tant qu’il n’est pas annoncé à tous, tant qu’il ne féconde pas et ne guérit pas toutes les dimen­sions de l’homme, tant qu’il ne réunit pas tous les hommes à la table du Royaume. Le tout est supérieur à la partie.